Arthur PERAIS

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Arthur PERAIS

Promotion : 2012
Dominante : ARC, ASE

Ayant fait l’ESIR entre 2009 et 2012, dans le parcours « Architecture des Systèmes Embarqués » (ASE) de l’option Informatique de la spécialité Informatique et Télécommunications, Arthur PERAIS est aujourd’hui Chargé de recherche au CNRS dans le laboratoire TIMA, à Grenoble. Il s’intéresse à la performance des processeurs généralistes (ceux qu’on trouve dans les smartphones, laptops, desktops, serveurs, etc.), et notamment sur comment on peut l’améliorer en présence de contraintes telles que la consommation ou la surface de silicium occupée par les transistors.
Nous avons eu l’occasion de le questionner sur ses années ESIRiennes, mais surtout sur sa carrière de doctorant et de chercheur en janvier 2021.

D’où vient Arthur ?

Peux-tu nous expliquer rapidement ton parcours scolaire avant l’ESIR ?

J’ai tout d’abord fait mon L1/L2 mathématiques et informatique (MIPE à l’époque) à l’université de Rennes 1 avant de rejoindre l’ESIR.

Si c’était à refaire, est-ce que tu referais ce choix ?

Oui, car cela m’a permis de creuser des thématiques qui m’intéressaient tout en me donnant accès à l’écosystème de recherche académique présent au sein de l’IRISA (toujours à Rennes 1 donc), où j’ai pu continuer en doctorat après l’ESIR.

Pourquoi avoir choisi d’intégrer une école d’ingénieurs ?

Parce que l’université ne proposait pas vraiment (à ma connaissance) de cursus équivalent au niveau des thématiques. J’étais en effet surtout intéressé par les couches un peu plus basses du système (architecture et microarchitecture).

Pourquoi as-tu choisis l’ESIR ?

J’ai choisi l’ESIR car le cursus orienté vers le matériel m’intéressait. Évidemment, le fait que l’ESIR soit sur le campus de Rennes 1 a rendu le choix encore plus facile. Rétrospectivement, le choix de l’ESIR fut aussi intéressant du point de vue recherche académique puisque j’ai pu suivre les cours du Master de recherche en Informatique pendant ma dernière année d’ESIR, et la présence de l’INRIA et l’IRISA sur le campus de Rennes 1 m’a permis d’avoir un accès assez direct à l’équipe de recherche à la pointe dans le domaine de l’architecture des processeurs (ALF à l’époque).

Son expérience à l’ESIR

Quelle spécialité as-tu choisi et pourquoi ?

J’ai choisi la spécialité « Architecture des Systèmes Embarqués » (ASE) car j’étais plutôt intéressé par comprendre comment fonctionnent les couches basses des systèmes et comment elles interagissent avec les couches logicielles. Cela me paraissait important pour bien apprécier pourquoi une structure de données logicielle sera plus ou moins performante suivant le matériel sur lequel on la manipule.

Quels sont les enseignements de cette spécialité dont tu te rappelles encore ?

Mes souvenirs sont un peu flous, mais je me souviens d’un projet (peut-être “CSE”) ou nous avions implémenté un processeur très simple sur FPGA en utilisant le langage de description VHDL. Je me souviens qu’on chargeait la mémoire du processeur directement avec du code hexadécimal représentant les instructions, et j’avais donc écrit un petit assembleur avec antlr pour traduire un programme texte (une suite d’instructions) vers le code hexadécimal. Évidemment, ce processeur n’était ni très véloce ni très facile à programmer, mais, comme après avoir programmé ma première boucle en C, j’étais relativement fier d’avoir implémenté un processeur sur le FPGA.

Quels sont les enseignements du tronc commun dont tu te rappelles encore ?

Probablement le cours de C++ en première année où il fallait implémenter des effets sonores en TP (chorus, delay, etc.). Ce cours m’a de plus particulièrement servi puisque j’ai principalement développé en C++ au cours de mes différentes expériences professionnelles.

Comment as-tu choisis tes stages ? Qu’est-ce qu’ils t’ont enseigné ?

J’ai fait mes deux stages de 2ème et 3ème années à l’INRIA Rennes, dans la même équipe. J’avais trouvé celui de 2ème année en me renseignant auprès de l’équipe pédagogique de l’ESIR qui m’a orienté vers l’équipe de recherche ALF, puisque ses thématiques étaient les plus intéressantes pour moi. J’y suis simplement retourné en 3ème année car faisant le parcours Master de recherche en informatique, je devais faire mon stage de fin d’année en laboratoire.
Pour mon stage de 1ère année, j’ai simplement démarché les différents magasins d’informatique du coin et j’ai donc réparé et monté des PC pendant un mois. J’en retire une conviction que le diagnostic de pannes reste une loterie et que certaines pannes tiennent de la magie noire.

Insertion professionnelle

Combien de temps as-tu passé à chercher ton premier emploi ?

Techniquement mon premier emploi a été doctorant, et j’ai obtenu un financement assez tôt pendant mon stage de dernière année, donc pour répondre à la question : peu de temps. Après le doctorat, j’ai trouvé du travail assez rapidement car mon domaine est plutôt de niche, mais néanmoins avec assez peu d’opportunités en France.

Est-ce que ce travail te plaisait ?

Chaque doctorant a une expérience différente du doctorat, qui dépend du laboratoire, de l’équipe, de(s) l’encadrant(s), du domaine et sujet de thèse, etc. J’ai beaucoup apprécié mes trois années de thèse car cela m’a permis de creuser un sujet particulier et d’apprendre bien plus que ce qui est enseigné jusqu’au Master. Cependant, le doctorat (et la recherche en général) peut parfois être démoralisant dans le sens où on a pas de garantie d’obtenir des résultats meilleurs que l’état de l’art.

Son poste de Chargé de Recherche

Qu’est-ce que tu fais aujourd’hui ?

Je suis Chargé de recherche au CNRS dans le laboratoire TIMA à Grenoble. Je suis donc chercheur.

Comment en es-tu arrivé là ?

Pour postuler Chargé de recherche (ou maître de conférence), un doctorat est nécessaire, j’ai donc tout d’abord fait mon doctorat juste après l’ESIR, à l’INRIA Rennes, après quoi je suis resté un peu plus d’un an à l’INRIA Rennes en tant qu’ingénieur de recherche pour finir certaines expériences.
Je me suis ensuite expatrié aux États-Unis, d’abord chez Qualcomm pour participer au développement d’un processeur ARM 64-bit pour serveurs, puis, lorsque notre centre a fermé ses portes pour cause de valeur de l’action Qualcomm trop basse, chez Microsoft pour participer au développement d’un processeur de contrôle pour un ordinateur quantique. À haut niveau, mon travail consistait à développer un modèle de performance du processeur en C++ et à proposer puis évaluer différentes techniques micro-architecturales afin de guider la conception du processeur. Cela impliquait donc de l’ingénierie logicielle, mais aussi une bonne connaissance de l’architecture et de la microarchitecture.
Bien que ces postes dans l’industrie n’aient pas été à proprement parler des postes de R&D, j’ai tout de même pu continuer ma recherche académique (publication de papiers, peer-review, etc.), ce qui a été vital pour pouvoir candidater au CNRS.

Quelles sont les différentes facettes de ton poste ?

Premièrement, produire des travaux scientifiques afin de faire avancer l’état de l’art dans mon domaine. Cela inclut notamment trouver des idées, expérimenter et écrire des articles scientifiques si les résultats sont intéressants.
Deuxièmement, participer à la communauté scientifique, notamment en participant au peer-review des articles scientifiques soumis à des conférences ou des journaux. Troisièmement, l’encadrement d’étudiants en stage dans le laboratoire ou de doctorants effectuant leur thèse dans l’équipe, même si étant arrivé au CNRS en 2020, je n’ai pas encore eu l’occasion de le faire.
Finalement, j’ai aussi l’occasion de donner quelques cours (même si contrairement aux maîtres de conférences, cela n’est pas obligatoire) et de participer à des séminaires pour disséminer ma recherche auprès d’autres chercheurs et des étudiants.

Qu’est-ce qui te plaît dans ton travail ?

La liberté de choisir ce sur quoi on va travailler. Même si certaines thématiques sont plus en vogue (par exemple le Machine Learning) et donc plus à même d’être financées (par exemple, pour payer le salaire d’un doctorant ou d’un ingénieur de recherche), je suis moi-même libre d’expérimenter et publier sur les sujets qui m’intéressent, ce qui n’est pas toujours le cas dans la recherche privée où la production scientifique doit en général mener à des bénéfices directs pour l’entreprise.

Ses évolutions de carrière

Au fur et à mesure de ta carrière, quelles ont été les étapes les plus marquantes ?

Clairement le passage par deux grandes entreprises à l’étranger est une étape majeure de ma carrière. Cela m’a notamment permis de contraster le travail en entreprise par rapport au travail en laboratoire, tout en sachant que le travail dans une grande entreprise est sans doute bien différent de celui dans une PME. J’ai aussi pu, de façon anecdotique, apercevoir quelques différences entre le recrutement à l’américaine et le recrutement à la française. Dans le second cas, avoir publié des articles scientifiques dans des conférences internationales a joué un rôle significatif dans mon embauche, alors que dans le premier cas, cela n’a à priori eu que peu, voire pas, d’importance. Cela illustre, encore une fois de manière anecdotique, le débat sur la (non) reconnaissance du doctorat en France.

Quelles ont été les compétences / savoir-faire qui t’ont le plus manqué par rapport à l’enseignement de l’ESIR ?

J’aurais aimé obtenir quelques notions de design de circuits typiques utilisés dans les processeurs lors des années à l’ESIR, ce afin de directement pouvoir parler la langue de l’équipe de design tout en gardant une expertise à plus haut niveau (simulateurs).

Est-ce que tu penses que l’école aurait pu mieux te préparer ? Comment ?

Peut-être un module d’introduction au design de circuits et les métriques à équilibrer (surface, consommation, etc.).

Le métier d’ingénieur

Pour toi, c’est quoi un ingénieur ?

Ingénieur et chercheur ne sont parfois pas très différents. S’il fallait différencier, peut-être que l’ingénieur est quelqu’un capable de choisir les bons outils pour résoudre un problème alors que le chercheur est quelqu’un qui trouve des nouveaux problèmes à résoudre. Cela étant, recherche et ingénierie sont étroitement liées.

Est-ce que tu penses avoir le quotidien d’un ingénieur ?

Certains jours oui, lorsque j’ai une direction de recherche à explorer et qu’il faut concevoir les expériences pour évaluer les techniques qui permettraient de résoudre le problème.

Est-ce que tu conseillerais à des étudiants de faire une école d’ingénieurs ? Pourquoi ?

Pragmatiquement, oui, puisqu’en France le titre d’ingénieur est encore considéré comme différent d’un Master par certaines entreprises, et par différent j’entends « ayant plus de valeur ». Cependant, l’uniformisation des diplômes au niveau européen laisse à penser que les écoles d’ingénieurs resteront une exception franco-française.

Ouverture

Comment penses-tu que ta carrière va évoluer ?

C’est dur à dire. J’ai au moins un avantage qui est que Chargé de recherche propose une sécurité de l’emploi forte, et que l’on peut donc a priori se consacrer à la recherche sans devoir constamment penser à un plan B, contrairement à ce qui est arrivé lorsque j’étais chez Qualcomm, par exemple.

Quel est ton objectif sur le long terme ?

Avoir certaines de mes idées implémentées dans des processeurs utilisés tous les jours serait définitivement intéressant, mais pour voir plus grand, il y a en ce moment une crise entre la performance des processeurs et la sécurité de l’information au sein des processeurs, et la résoudre de façon élégante serait un bon objectif.

Ce n’est pas un secret : notre planète n’est pas sur une dynamique vertueuse. Est-ce que tu as l’impression de faire partie de ceux qui l’aident à remonter la pente ? Comment ?

Clairement pas, c’est d’ailleurs ce qu’il est difficile de concilier au jour le jour. Malgré les améliorations en termes de performance par Watt, il y a toujours plus de processeurs vendus chaque année, et notamment de centres de données ouverts qui consomment chacun plusieurs MW (et centralisent le web mais c’est un autre débat). Même si il est possible que l’électricité consommée par ces processeurs (et notamment ceux des centres de données) puisse être majoritairement propre (et je laisse chacun décider de la propreté des déchets nucléaires), produire des puces est quelque chose qui consomme énormément d’eau et d’énergie, et il paraît difficile à croire que l’industrie contribue à réduire les émissions tout en continuant à grandir chaque année. À mon avis, le principal ennemi ici est l’effet rebond, où même si on améliore grandement la consommation d’un processeur (par exemple), on utilisera juste beaucoup plus de processeurs et la consommation énergétique n’aura juste pas changé.

Au vu de la situation actuelle de la pandémie COVID, as-tu des appréhensions pour ton avenir professionnel ? Quel impact a eu la crise sur ton métier d’ingénieur ?

Pas d’appréhension, mais un espoir que la société réalise que les métiers importants ne sont pas ceux qui génèrent le plus de PIB, et, de manière plus égoïste, la réalisation que certains métiers ne requièrent pas une présence dans les locaux 35h par semaine.

Un dernier mot pour l’IDESIR ?

Soyez généralement sceptique lorsque que le haut management déclare avoir le bien-être des employés comme premier objectif, et encore plus si l’entreprise est cotée en bourse. Mon expérience, certes anecdotique, suggère que c’est faux.

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